Les Mystérieuses Carrières de Gebel el-Silsila : Un Trésor Caché entre Edfou et Kom Ombo

Situé sur les rives majestueuses du Nil, entre les célèbres villes d’Edfou et de Kom Ombo, Gebel el-Silsila est l’un des sites archéologiques les plus fascinants et pourtant les moins visités de Haute-Égypte. Ce site exceptionnel, dont le nom signifie littéralement « la Montagne de la Chaîne », offre un témoignage unique sur les carrières de grès qui ont alimenté les plus grands temples de l’Égypte ancienne.
Un site stratégique au cœur de l’Égypte ancienne
L’histoire de Gebel el-Silsila remonte à la XVIIIe dynastie, autour du règne de Thoutmosis Ier, vers 1490 av. J.-C. Grâce à sa situation géographique idéale au point le plus étroit de la vallée du Nil. Ce lieu est devenu stratégique pour l’extraction et le transport du grès vers les grands centres religieux et politiques de l’époque. Le site fut activement exploité durant le Nouvel Empire, notamment sous les règnes de Thoutmosis III, Amenhotep III, Akhenaton, Horemheb, Ramsès II, Séthi Ier, et bien d’autres souverains illustres.
Les carrières ont continué à être utilisées pendant les périodes ptolémaïque et romaine, ce qui en fait un site actif pendant plus d’un millénaire. On y trouve des traces d’activités administratives, des campements ouvriers, ainsi que des inscriptions laissées par les responsables des carrières, les prêtres et les artisans.
Un centre d’extraction colossal

Le grès extrait à Gebel el-Silsila était particulièrement recherché pour sa qualité. Ce matériau a servi à construire les temples de Karnak, Louxor, Edfou, Kom Ombo, Esna, Dendera, ainsi que d’innombrables chapelles et pylônes à travers toute la vallée du Nil. Le transport se faisait par voie fluviale : les blocs étaient acheminés jusqu’au fleuve grâce à un ingénieux système de rampes et de rondins, puis chargés sur des barges.
Les marques de coupe visibles sur les falaises témoignent de la maîtrise technique des anciens Égyptiens. Certaines zones de carrière révèlent des blocs partiellement extraits, comme figés dans le temps, ce qui permet d’observer les différentes étapes du processus d’extraction.
Un sanctuaire au cœur des carrières : les chapelles rupestres
Le site abrite environ 33 chapelles rupestres creusées dans la falaise de la rive est. Ces chapelles, bien que de taille modeste, sont d’un intérêt archéologique immense. Elles servaient à la fois de lieux de culte, d’expression de la piété royale, et d’espaces de commémoration.
Voici un aperçu des plus importantes :

Chapelle de Horemheb : L’une des plus célèbres du site. Elle montre le roi en adoration devant Amon, Mout et Khonsou. Elle comprend plusieurs scènes rituelles gravées dans un style sobre et majestueux.

Chapelle de Ramsès II : Impressionnante par sa taille et ses reliefs. Ramsès II y est représenté faisant des offrandes à Sobek, dieu crocodile, très vénéré dans cette région. Les scènes célèbrent sa victoire sur les ennemis d’Égypte et son rôle de bâtisseur.

Chapelle de Séthi Ier : Magnifiquement sculptée, cette chapelle présente le roi agenouillé devant Amon-Rê et Sobek. Les hiéroglyphes sont d’une finesse remarquable.

Chapelle d’Amenhotep III : Elle contient des scènes solennelles où le roi offre des vases d’eau aux divinités. L’art y est symétrique et très codifié.

Chapelle d’Hatchepsout : Rare exemple de représentation féminine royale à Gebel el-Silsila. Elle témoigne de la volonté de la reine de marquer son autorité dans cette région industrielle.

Chapelles de fonctionnaires et de scribes : Certaines chapelles ne sont pas royales mais dédiées à des administrateurs de carrière comme Panehesy ou Amenemhat. Elles montrent l’importance du personnel civil dans la gestion du site.
Ces chapelles, bien que parfois érodées par le temps et le vent du désert, conservent une aura sacrée. Elles sont souvent décorées de scènes de processions, d’offrandes, et de formules magiques destinées à garantir le succès de l’extraction.
Inscriptions et graffitis : les voix du passé

Partout sur les parois rocheuses, on peut lire des inscriptions gravées à la hâte ou avec soin. Il s’agit de noms, de dates, de prières, de marques d’organisation logistique, ou encore de messages personnels laissés par les ouvriers, les chefs de chantier, et les visiteurs officiels. Certaines inscriptions mentionnent la quantité de blocs extraits, d’autres invoquent la protection divine.
Un des graffitis les plus émouvants est celui d’un scribe qui a écrit : « J’ai vu la grandeur de la montagne, j’ai entendu le souffle des dieux ».
Comment visiter Gebel el-Silsila ?

Bien que peu connu du grand public, le site est accessible à ceux qui souhaitent sortir des sentiers battus. Il existe plusieurs façons de le visiter :
Par croisière sur le Nil : Certains bateaux de luxe ou dahabiyas proposent un arrêt à Gebel el-Silsila, souvent au lever ou au coucher du soleil.
Excursion en voiture depuis Edfou ou Kom Ombo : Avec l’aide d’un guide local, vous pouvez organiser une visite privée du site. La piste qui y mène traverse de magnifiques paysages désertiques.
Felouque traditionnelle : Pour les voyageurs aventuriers, il est possible de rejoindre le site par bateau local en partant d’un des villages voisins.
Conseils de visite
Moment idéal : Visitez tôt le matin ou en fin d’après-midi, quand la lumière met en valeur les reliefs des chapelles.
Accompagnement recommandé : Prenez un guide spécialisé en égyptologie pour interpréter les nombreuses inscriptions.
Équipement : Apportez de bonnes chaussures, de l’eau, un chapeau et une lampe frontale si vous voulez explorer les zones plus sombres.
Autorisation : Certaines zones du site nécessitent une autorisation spéciale. Il est préférable de passer par une agence de voyage agréée.
Un lieu d’archéologie vivante

Aujourd’hui, des missions archéologiques suédoises et égyptiennes travaillent encore sur le site. Elles découvrent régulièrement de nouveaux éléments : statues, stèles, outils, et fragments d’objets quotidiens. Les recherches permettent de mieux comprendre l’organisation sociale et religieuse des carrières.
Le site est également étudié pour son importance religieuse. Plusieurs indices laissent penser qu’il servait aussi de lieu de pèlerinage, lié au culte de Sobek et à la régénération du roi.
Conclusion
Gebel el-Silsila est bien plus qu’une carrière : c’est un livre d’histoire gravé dans la roche. Ses chapelles, ses graffitis, ses falaises majestueuses, et son lien direct avec les temples les plus prestigieux d’Égypte en font un lieu incontournable pour tout passionné de civilisation pharaonique.
Découvrir ce site, c’est rendre hommage aux milliers d’ouvriers anonymes qui, dans la poussière et sous le soleil brûlant, ont bâti la grandeur éternelle de l’Égypte.
Ajoutez Gebel el-Silsila à votre itinéraire et vivez un moment d’émerveillement loin de la foule, au cœur de l’histoire ancienne.